lundi 24 juin 2013

"Man of Steel" - ni pour ni contre... (1ère partie)

Depuis mercredi dernier, l'ouragan annoncé Man of Steel suscite pas mal de commentaires - tous plus prévisibles les uns que les autres - de la part de nombreux spectateurs.


Les uns détestent Christopher Nolan (producteur et co-scénariste), les autres vomissent Zack Snyder (réalisateur qui, sans s'y employer particulièrement, divise violemment le public depuis son mémorable 300).
Les uns aiment les deux bonshommes et rejoignirent la salle de cinéma en toute confiance. Les autres sont hermétiques à Nolan comme à Snyder... mais sont tout de même montés joyeusement à l'assaut de leur film commun - on appellera ça de l'ouverture d'esprit...
Les uns bandaient pour l'Homme d'Acier ; les autres n'en avaient que foutre.
Les uns sont incollables sur les héros estampillés "DC Comics" ; les autres s'en battent royalement les steaks et n'ont jamais ouvert une bande dessinée de leur vie...
Il y a les aficionados de Richard Donner et Christopher Reeve (qui avaient canonisé Superman pour la première fois sur grand écran en 1978). On passera sur les amateurs - si peu nombreux - des Superman II, III et IV. On passera sur ceux - trop rares également ! - du plus récent Superman Returns réalisé par le courageux Bryan Singer. En revanche, il y a également ceux qui trouvaient (ou qui ont fini par trouver) ridicules les collants bleus et le slip rouge portés par Chris Reeve - à tel point que leurs couleurs criardes en sont venu à masquer aux yeux de ces tristes sires toutes les plus belles séquences d'un film pourtant génial.


Il y a les passéistes qui ne se lassent pas de baver sur la mode actuelle, et dans le coin opposé les amateurs d'une C.G.I. toujours plus bluffante au fil des ans.

Si vous commencez à trouver que la liste est longue, je veux bien m'arrêter. Mais les paramètres sont multiples et, dans une configuration où internet permet à chacun de s'exprimer en public, il est bon d'identifier assez rapidement à qui l'on a affaire, avant de pouvoir se forger une opinion... sur les opinions qui circulent ! La plupart des critiques PROFESSIONNELS n'étant toujours pas foutus de renseigner leur lectorat sur les films qu'ils chroniquent plutôt que sur eux-mêmes et leur propre background, on aurait mauvaise grâce à prier le quidam moyen de faire mieux qu'eux ! Il n'a que peu de bons exemples auxquels s'identifier de ce côté-là...

Man of Steel pose un nombre de questions invraisemblables. Je n'ambitionne pas de toutes les répertorier - encore faudrait-il qu'elles m'eussent toutes sauté aux yeux. Je n'aurai pas non plus le temps d'en développer quelques-unes ici autant que je le voudrais faire. Il sera toujours temps d'y revenir.
Je ne vais pas tenter d'expliquer pourquoi j'ai aimé ou détesté le film de Snyder. Mon humeur est franchement secondaire - comme la vôtre. Je vais plutôt tenter d'expliquer pourquoi il me semble difficile d'y rester indifférent.
Et pour ne pas cultiver l'équivoque, je fais tout de suite cadeau de mon profil de spectateur en quelques mots : Nolan me les brise. Snyder me fascine. Le personnage de Superman, son univers et sa bande dessinée ne m'intéressent pas. Je pense que les films de Richard Donner et Bryan Singer sont des chefs d'oeuvre.
Allons-y...


I - Krypton
Le prologue du film sur la planète d'origine de Kal-El a fait couler pas mal d'encre virtuel. La plupart des internautes, c'est remarquable, évoquent cette introduction sous l'angle unique des influences esthétiques - ce qui n'est pas idiot puisqu'il s'agit de la partie proprement "S.F." du film. Tout le monde y va de sa propre culture : beaucoup pensent logiquement au Avatar de James Cameron. Certains connaisseurs font référence à des aventures de Superman qui présentent une Krypton similaire dans des bandes dessinées que je n'ai jamais lues. Les puristes s'indignent d'une planète aux relents archaïques, arguant qu'elle devrait respirer la technologie de pointe dans les moindres détails.
De mon côté, j'y ai surtout trouvé un prolongement des derniers Star Wars de George Lucas - L'Attaque des Clones en tête - comme si Snyder avait opéré la synthèse, ramassée sur une quinzaine de minutes, des fameux montages alternés propres à Lucas opposant nature primitive et technologie de pointe avec d'un côté les planètes visitées par Anakin Skywalker (ici les extérieurs de Krypton avec leurs couleurs chaudes, la frénésie sauvage des batailles et la puissance tellurique qui s'en dégage), de l'autre les vaisseaux spatiaux des Cloneurs ou de la Guilde du Commerce (ici les intérieurs cliniques, froids, aseptisés où se déplace Jor-El/Russell Crowe à la merci du danger imminent). Le tout passé au crible des Chroniques de Riddick pour le traitement des couleurs et le design des armures. Du reste, si l'on admet ce dernier film comme un étonnant croisement hybride entre Star Wars et Conan le Barbare, alors on peut imaginer quel instinct a pu poussé Snyder (grand admirateur de Lucas et de John Milius) à arpenter les mêmes plates-bandes que David Twohy et Vin Diesel.


II - Loïs Lane
Même en faisant abstraction des précédentes versions cinématographiques, il semblerait que Superman ne puisse décidément pas se passer de Loïs Lane. Ce phénomène est peut-être moins dû aux bandes dessinées qu'aux deux séries télévisées Loïs & Clark et Smallville, lesquelles ont définitivement placé la journaliste du Daily Planet en première ligne des ingrédients indispensables. Pas de kryptonite dans Man of Steel, donc, pas de Lex Luthor ni de slip rouge ni de faits divers en série résolus dans l'agglomération de Métropolis par le superhéros qu'on ne nomme d'ailleurs pas encore... mais, tout de même, Amy Adams (déjà au casting de Smallville dans un autre rôle) qui campe la reporter casse-cou. D'aucuns auront jugé sa présence artificielle, trop vite débarquée dans une intrigue génésiaque qui se serait volontiers passée de sa présence. Mais surtout, nombreux sont ceux qui n'auront pas pardonné l'entorse absolue aux canons de la mythologie de l'Homme d'Acier : alors qu'ils ne sont pas encore collègues au journal, Loïs sait déjà tout à propos de la double-identité de Clark Kent - son propre parcours dans le film visant précisément à percer à jour le personnage de Kal-El.
On n'a pas assez parlé, il me semble, des autres protagonistes féminins du film. Snyder a ceci de commun avec son mentor John Milius que, malgré un univers personnel d'apparence très masculine (The Wind and the Lion, Red Dawn et Conan the Barbarian d'un côté ; 300, Watchmen et Sucker Punch de l'autre - pour ne citer que ceux-là), il n'en génère pas moins une magnifique - et tout aussi personnelle - galerie de personnages féminins. Dans son Man of Steel, Loïs Lane (femme énergique et dominatrice par tradition) fait bien pâle figure si on la compare aux trois déesses taillées dans le marbre que sont Lara (Ayelet Zurer), Martha Kent (Diane Lane) - soit les deux mamans de Kal-El/Clark - et la guerrière Faora-Ul (Antje Traue), sbire et supposément compagne du général Zod. Dans la noblesse stoïque qui se dégage de ces trois femmes, dans leur propension à ne pas fléchir lorsqu'il s'agit de défendre les valeurs auxquelles elles croient, on retrouve sans peine la reine Gorgo de 300 (Lena Headey), le tandem complémentaire Sweet Pea/Babydoll de Sucker Punch (Abbie Cornish/Emily Browning) et la Ana du remake de Dawn of the Dead (Sarah Polley). Est-ce à dire que le personnage de Loïs Lane a subi une réécriture au rabais par rapport aux précédentes versions qui en furent proposées ? Non. Loïs est plus têtue et débrouillarde que jamais. Mais sous la gigantesque ombre portée de ces "femmes idéales" monolithiques, infiniment plus snyderiennes, il est permis de penser qu'en dépit de son statut d'héroïne, c'est à elle que le réalisateur, assez curieusement, s'intéresse le moins. Trop humaine pour le gigantisme épique dans lequel ce dernier tend généralement à s'épanouir, Loïs Lane est le personnage "nolanien" du film.
Quant à cette connaissance très précoce de l'identité de Clark/Superman que lui ont très librement donnée les scénaristes... on peut comprendre l'effarement des fanboys si l'on réfléchit aux nombreuses possibilités narratives que cette option verrouille définitivement pour les films à venir. D'un autre côté, admettons que pour avoir obtenu, grâce à cette bizarrerie, les quelques secondes de complicité dans l'échange de regards qui accompagne l'ultime "Welcome to the Planet !" de la journaliste et achève le film... Christopher Nolan, David S. Goyer et Zack Snyder peuvent être largement pardonnés d'avoir jeté aux orties l'un des rouages des plus importants du canevas original !


(suite au prochain post...)

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